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Le blog de Pierre Courbebaisse

GRH territorialisée, levier d'une politique de l'emploi

28 Juin 2007 Publié dans #Politique de l'emploi

"Une GRH (Gestion des Ressources Humaines) territorialisée pourrait devenir un des leviers d'une politique offensive pour l'emploi au plus proche des actifs et des entreprises". C'est la thèse que développe Pierre Courbebaisse, directeur général d'AFEC/POINT F, un réseau de 28 établissements de formation, et vice(président de la FFP (Fédération de la formation professionnelle), dans son dernier ouvrage "Emploi, insertion et formation professionnelle. Missions, rôle et obligations des collectivités territoriales" (Editions Le Moniteur).

Ce guide juridique aborde douze "débats-clés" comme la question des transferts financiers aux collectivités territoriales ("Sont-ils équitables?"), le chômage et les initiatives locales, le rôle des OPCA sur les territoires, la question du financement de l'apprentissage, etc. Pierre Courbebaisse répond aux questions de l'AEF.

AEF : Pourquoi avoir réalisé ce manuel sur les dispositifs de formation professionnelle, d'emploi et d'insertion à l'attention des élus locaux ? Qu'apporte-t-il de nouveau par rapport aux nombreux ouvrages existants ?

Pierre Courbebaisse : Les élus locaux manquaient d'un ouvrage faisant la synthèse des réformes successives intervenues depuis les premières lois de décentralisation (1982-1983) jusqu'à la dernière réforme intervenue avec la loi du 13 août 2004. L'objectif de cet ouvrage, sui se veut pratique et stratégique, est d'apporter de outils de GRH aux collectivités territoriales pour leur permettre de définir leurs politiques. Nous y présentons l'ensemble des dispositifs, notamment ceux issus de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 sur la formation des salariés, en envisageant leur articulation afin de créer une meilleure lisibilité.

Une GRH territorialisée pourrait devenir un des leviers d'une politique offensive pour l'emploi au plus proche des actifs et des entreprises. Le territoire apparaît un mode opératoire pertinent. Les collectivités territoires doivent s'ériger en animateurs, en acteur pivot auprès des opérateurs qui interviennent localement dans les domaines de la formation professionnelle, de l'emploi et de l'insertion. Aux régions revient la formation ; aux départements et à l'intercommunalité, l'insertion. Piloter, communiquer, évaluer doivent devenir les règles d'action dans un management territorial en faveur de l'emploi, dans un contexte marqué par le passage du "welfare" (assistance dans le cadre d'un Etat providence) au "workfare" (assistance assortie de mesures incitatives à la reprise d'emploi).

La décentralisation comme outil de pilotage, c'est également une politique de la demande et non une logique de l'offre. piloter à l'échelon décentralisé, c'est inciter, "faire faire", accompagner la demande des actifs en globalisant l'intervention publique et privée sur un territoire dans le respect des initiatives. Le nouveau code des marchés publics de septembre 2006 est un outil d'achat public adapté à cette démarche.

AEF : Quelle place accordez-vous aux entreprises dans ce schéma ?

Pierre Courbebaisse : Une politique de territoire ne doit pas déresponsabiliser l'entreprise. L'entreprise doit rester maître des contrats aidés qu'elle finance de manière prépondérante, notamment le contrat d'apprentissage. La collectivité est plus sur une approche "macro" des problématiques RH (comment attirer les entreprises et la main-d'oeuvre sur le territoire ?), et l'entreprise, sur une approche "micro".

AEF : Faut-il un "Acte III" de la décentralisation ?

Pierre Courbebaisse : Non, je ne pense pas, même si quelques ajustements doivent être faits. Les régions doivent en particulier avoir une marge de manoeuvre plus grande en matière d'intervention économique. Il y a un risque réel d'isolement de la formation par rapport aux politiques économiques (aides aux entreprises, etc.). Des ajustements peuvent être faits par voie réglementaire.

De plus, la loi de 2004 prévoit un droit à l'expérimentation. Il pourrait être utilisé dans le champ de la formation professionnelle, comme dans les domaines de l'insertion ou de l'emploi. Cela permettrait par exemple à certaines régions de mobiliser des compétences "emploi" (comme la gestion de contrats aidés financés actuellement par l'Etat de type CIE/contrats initiative emploi) pour mieux les articuler avec la formation, les simplifier et réduire leur nombre. dans la construction d'une sécurité professionnelle, ce droit à l'expérimentation serait très utile.

AEF : Que pensez-vous du débat sur l'insuffisante évaluation des sommes consacrées à la formation professionnelle ?

Pierre Courbebaisse : Cette faiblesse en matière d'évaluation des politiques publiques est très française. Nous n'évaluons que partiellement en France. Nous croulons sous les rapports de toute sorte concernant les problèmes d'emploi et de formation dépourvues de données globales sur les ressources humaines du pays ou d'un territoire. Une instance d'évaluation pourrait apporter le tableau d'ensemble nécessaire à l'élaboration d'une stratégie coordonnée de la formation, au niveau régional et national.

Il faut réfléchir à la mise en place d'une structure d'évaluation de toutes les politiques conduites par les partenaires sociaux, l'Etat et les collectivités territoriales, de type "Haute autorité", qui pourrait être placée auprès du Parlement, tout en étant indépendante, et dont la mission consisterait à faire des recommandations, sans être juge et partie. Cela introduirait une vraie culture du résultat. L'indépendance de cette autorité pourrait être garantie par la présence d'experts indépendants de tous les financeurs.

AEF : Le CNFPTLV (Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie) ne joue-t-il pas déjà ce rôle d'évaluation des politiques de formation et d'apprentissage, et de suivi des financements ?

Pierre Courbebaisse : C'est une première étape indispensable, mais il faut évaluer la globalité des flux financiers privés et publics.

AEF : Vous parler d'un dossier "crucial" dans la relation entre les partenaires sociaux et les régions, celui du développement de l'appétence des individus pour la formation. Pouvez-vous préciser ?

Pierre Courbebaisse : Une étape a été manquée quand le organismes de l'AIO (accueil, information, orientation) n'ont finalement pas été tranférés aux régions par la loi du 13 août 2004. Pour autant, une décentralisation en bonne et due forme n'est pas nécessaire. C'est une question d'organisation territoriale et de lisibilité. Il faudrait que les partenaires sociaux et le régions développent un système d'information-orientation tout au long de la vie dans un objectif de développement de l'appétence des actifs pour la formation et la VAE (validation des acquis de l'expérience).

Pour développer le désir de se former, il faut rendre le système lisible et de qualité. Il y a un déficit de communication sur les dispositifs. L'information existe pour les jeunes, mais elle est insuffisante pour les adultes. L'appétence pour la formation doit aussi être recherchée par des campagnes de communication intensives et régulières menées sur le territoire national et à l'échelon régional.

AEF : Selon vous, il appartient également aux élus de jouer le rôle de "chef de file fédérateur" pour préserver la sécurité professionnelle des salariés. Pouvez-vous préciser ?

Pierre Courbebaisse : La flexibilité imprègne notre économie. C'est en la maîtrisant que l'on parviendra à dissiper son image négative. Il appartient aux partenaires sociaux, dans le cadre d'une négociation nationale avec des déclinaisons régionales, d'établir les bases de parcours professionnels et de formation. Cette maîtrise suppose une répartition des tâches conçue entre les aprtenaires sociaux et les collectivités territoriales dans une logique de proximité.

Article de Valérie Grasset-Morel / AEF du 21/06/2007

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